Le paradoxe des SCPI en 2024 : entre innovation et fragilisation du marché
Le marché des SCPI traverse actuellement une période paradoxale qui interpelle les observateurs les plus avisés. L'année 2024 restera sans doute dans les annales comme celle de tous les contrastes, révélant à la fois le dynamisme et les vulnérabilités de ce véhicule d'investissement immobilier qui pèse 90 milliards d'euros de capitalisation totale.
En premier lieu, l'effervescence créative du secteur – avec pas moins de 18 nouvelles SCPI lancées l’année dernière contre seulement 7 en 2023 – pourrait laisser croire à une santé éclatante du marché. Cette multiplication des offres témoigne d'une réelle capacité d'innovation des gestionnaires, qui n'hésitent pas à explorer des horizons géographiques lointains et des secteurs jusqu'alors délaissés. Un dynamisme partagé équitablement entre acteurs historiques et nouveaux entrants, avec une répartition parfaitement équilibrée à 50/50 pour ces deux groupes dans la contribution aux créations de l'année.
Derrière cette forte dynamique observée sur le rythme de lancement des nouveaux fonds, le paradoxe le plus frappant réside néanmoins dans la coexistence de performances diamétralement opposées entre les différents véhicules. D'un côté, des SCPI comme Comète (visa AMF n°23-13 en date du 1er décembre 2023) chez Alderan affichent des rendements spectaculaires approchant les 10% tandis que d'autres subissent de plein fouet des baisses de valorisations, parfois à deux chiffres. Entre ces extrêmes, le taux de distribution moyen du marché devrait rester stable autour de 4,50% (source : ASPIM), même si une quinzaine de SCPI sont en position de dépasser le seuil des 6% distribués en 2024, à l'image d’Iroko Zen (visa AMF n°20-17 en date du 09 octobre 2020), Remake Live (visa AMF n°22-01 en date du 8 février 2022) ou Transitions Europe (visa AMF n°22-17 en date du 20 septembre 2022).
Pour sa part, la chute vertigineuse de la collecte – qui devrait à peine atteindre 3,3 milliards d'euros en 2024 nets de retraits selon l'Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière (IEIF) contre près de 6 milliards en 2023 et plus de 10 milliards en 2022 – sonne comme un avertissement sans appel. Cette désaffection relative des investisseurs, même si elle touche inégalement les différents acteurs, révèle en creux une crise de confiance qu'il serait illusoire de vouloir ignorer. Les derniers chiffres publiés par l'Association Française des Sociétés de Placement Immobilier (ASPIM) à la fin du troisième trimestre 2024 sont éloquents : avec seulement 2,47 milliards d'euros collectés, nets de retraits, sur les 9 premiers mois de l’année, soit une baisse de 50% par rapport à la même période en 2023, le marché montre des signes évidents d'essoufflement.
Les évolutions réglementaires de 2024 – notamment l'ordonnance du 4 juillet instaurant l'obligation d'une double évaluation annuelle du patrimoine – marquent une réelle volonté de renforcer la transparence de la part du régulateur, une condition importante pour regagner la confiance des épargnants. L'élargissement des possibilités d'investissement aux énergies renouvelables et la liberté nouvelle d'acquérir des biens d'équipement ouvrent également des perspectives prometteuses pour le secteur. Mais ces avancées suffiront-elles à faire repartir durablement la collecte ?
L'enjeu crucial pour 2025 sera la capacité des gestionnaires à gérer cette transition dans un contexte où une bonne quinzaine de SCPI ont acté des baisses de parts en 2023 et un nombre à peu près équivalent en 2024... parfois les mêmes sont concernées sur les deux exercices ! Les SCPI historiques, particulièrement exposées au marché des bureaux franciliens, devront probablement réinventer leur modèle après des baisses cumulées de valorisations dépassant parfois 20 ou 25% ! Face à elles, huit revalorisations de parts ont été enregistrées l'an dernier par de « jeunes » SCPI et déjà deux depuis le début de l'année 2025, montrant qu'une autre voie est possible pour ce secteur.
La fragmentation du marché s'illustre également dans la collecte : 12 véhicules ont concentré plus de 73% des flux au troisième trimestre 2024. Cette polarisation pose la question de la pérennité du modèle pour certains acteurs. La course aux rendements élevés, incarnée par le record de 8,16% atteint par la SCPI Transitions Europe en 2023 – qui devrait être largement dépassé en 2024 – ne doit pas faire oublier les fondamentaux de l'investissement immobilier.
Le secteur des SCPI, qui représente aujourd’hui plus d’un million d’épargnants, se trouve donc à la croisée des chemins. Sa capacité à se réinventer tout en préservant ses atouts historiques déterminera son avenir. Les investisseurs, plus que jamais, devront faire preuve de discernement dans leurs choix, privilégiant la solidité des stratégies d'investissement à la seule promesse de rendements attractifs à court terme. Dans ce cadre, l’accompagnement des épargnants par des professionnels de la gestion de patrimoine semble plus indispensable que jamais.
Avertissements : Acheter des parts de SCPI est un investissement immobilier. Comme tout placement immobilier, il s’agit d’un investissement long terme dont la liquidité est limitée. Nous vous recommandons une durée de placement de 10 ans. Il existe un risque de perte en capital. De plus, les revenus ne sont pas garantis et dépendront de l’évolution du marché immobilier et du cours des devises. Comme pour tout placement, les performances passées ne préjugent pas des performances futures.