SCPI : le label ISR coûte-t-il en performances et en frais ?
En octobre 2020, après un long processus de maturation mené à l’initiative de l’ASPIM (Association Française des Sociétés de Placement Immobilier), le label ISR français -qui concernait jusqu’à présent uniquement les véhicule de gestion collective financiers- a été étendu aux fonds immobiliers : SCPI, OPCI, SCI… Ce label récompense des fonds responsables et durables, permettant aux investisseurs de concilier performance financière et réduction de l’impact social et environnemental. A ce jour, 9 SCPI ont été labellisées ISR sur plus d’une centaine de véhicules, ce chiffre étant appelé à augmenter rapidement dans les mois à venir. Ce label ISR leur coûte-t-il en performances et en frais ?
La question de l’impact financier de la labellisation ISR sur les véhicules immobiliers de gestion collective comme les SCPI mérite d’être posée. En effet, il s’agit pour les sociétés de gestion d’une contrainte supplémentaire qui génère potentiellement des coûts (en particulier d’analyse et de reporting) et restreint partiellement l’univers d’investissement. Une approche intuitive pourrait ainsi amener à conclure de façon un peu hâtive que les véhicules labellisés ISR ont une plus forte probabilité de sous-performer l’indice de référence et d’être un peu plus chargés en frais. La réalité est tout autre…
Liste des SCPI labellisées ISR
- SCPI LF Grand Paris Patrimoine (groupe La Française)
- SCPI Fair Invest (Norma Capital)
- SCPI Neo (Novaxia)
- SCPI PFO2 (Perial AM)
- SCPI Primopierre (Primonial REIM)
- SCPI Pierre Capitale (SwissLife AM)
- SCPI Iroko Zen (Iroko)
- SCPI Epargne Pierre (Atland Voisin)
- SCPI La Foncière des Praticiens (Magellan)
Performances des SCPI labellisées ISR
Considérons tout d’abord la perspective de la performance financière.
Sur les 9 SCPI aujourd’hui labellisées ISR, 3 existent depuis plus de 10 ans, et 8 ont eu une année 2020 complète. Cela permet donc de mesurer le TRI 10 ans (taux de rendement interne) pour 3 véhicules labellisés et le TDVM 2020 (taux de distribution sur valeur de marché) pour 8 véhicules labellisés.
Concernant le TRI 10 ans, la performance moyenne du marché des SCPI d’après les chiffres de l’ASPIM est de 6,02% à fin 2020. Mais ce chiffre intègre de nombreuses SCPI anciennes qui ont effectué au cours des dernières années un passage du statut de SCPI à capital fixe -souvent avec une décote de prix importante- à celui de SCPI à capital variable -avec un prix cohérent avec la valeur du patrimoine immobilier détenu-, ce qui booste artificiellement leur TRI sur la période étudiée. Rien de surprenant alors de constater que les 3 SCPI labellisées ISR qui existent depuis plus de 10 ans (la plupart d’entre elles étant relativement « récentes » et toutes ayant dès le départ été structurées à capital variable) sous-performent le TRI du marché sur les 10 dernières années. La moyenne des TRI 10 ans de ces 3 SCPI s’inscrit à 5,06%, en retrait de 96 points de base par rapport au marché, mais comme vu précédemment, ce chiffre n’est pas réellement significatif.
Une autre mesure de la performance plus récente permet d’englober l’essentiel des SCPI labellisées ISR : il s’agit du TDVM 2020. Cette mesure ne comporte pas le biais mentionné précédemment sur le TRI 10 ans et permet de comparer quasiment toutes les SCPI du marché entre elles (sauf celles qui n’existaient pas encore au 31/12/2019). Le TDVM 2020 moyen du marché était de 4,18% selon l’ASPIM, mesuré sur sur une centaine de véhicules. Sur les 8 SCPI labellisées ISR qui existaient à fin 2019, le TDVM 2020 moyen s’affiche à 4,87%, soit 69 points de base au-dessus du marché. La SCPI labellisée ISR la moins performante a procuré un TDVM de 4,05% à ses associés en 2020, et la plus performante 6%. En 2020, les SCPI labellisées ISR ont donc largement surperformé le marché, résultat d’autant plus intéressant qu’il se situe dans un contexte de gestion particulièrement compliqué avec une forte discrimination des résultats en fonction des choix sectoriels et géographiques effectués par les sociétés de gestion.
Frais et SCPI labellisées ISR
Penchons-nous maintenant sur les frais d’entrée des SCPI, sorte de talon d’Achille de ces véhicules du fait de leur spécialisation dans la classe d’actifs immobilière, qui génère des frais de transaction bien supérieurs aux actifs financiers (en particulier en raison des droits de mutation de l’ordre de 5%). Les frais d’entrée sur les SCPI sont traditionnellement de l’ordre de 8% à 12%, la moyenne exacte du marché étant probablement très proche de 10%.
Concernant les 9 SCPI actuellement labellisées ISR, un aspect particulièrement intéressant est que 2 d’entre elles ont des frais d’entrée à 0% (Iroko Zen et Néo) en contrepartie de droits de sortie de 6% TTC pour les associés qui demanderaient un retrait de parts avant une période de quelques années (3 ans pour Iroko Zen, 5 ans pour Néo). Ces périodes sont inférieures pour chacune des 2 SCPI mentionnées à l’horizon de placement recommandé, et ne pénalisent donc pas des associés qui investissent sur le long terme. Ces 2 SCPI font évidemment considérablement chuter la moyenne des frais d’entrée sur les SCPI labellisées ISR puisque l’on calcule pour ces 9 SCPI un chiffre moyen de 8,29%, inférieur de plus de 150 points de base à la moyenne du marché. A noter la forte hétérogénéité des SCPI labellisées ISR en termes de frais : les 2 SCPI de ce groupe les plus chargées affichent des droits d’entrée de 12%, c’est la fourchette haute du marché.
D’autres frais viennent diminuer la performance brute des SCPI comme les coûts de transaction récurrents et les autres coûts récurrents (intégrant en particulier la commission prélevée par la société de gestion sur les loyers perçus par la SCPI) qui apparaissent dans le Document d’Informations Clés (DIC) de chaque véhicule, car c’est une obligation réglementaire. La comparaison entre produits est ici plus compliquée à effectuer car le taux de chargement réellement prélevé dépend de nombreux paramètres, en particulier le taux de rotation du portefeuille immobilier qui peut être très variable d’une année sur l’autre et selon les typologies de SCPI. A titre d’illustration, sur les 8 SCPI labellisées ISR, l’incidence sur le rendement annuel des coûts de transaction récurrents -telle qu’indiquée dans le DIC- varie de 0% à 2,79% ! Idem pour l’incidence des autres coûts récurrents qui varie de 0,57% à 1,73% selon les SCPI… Mais ces frais sont déduits de la performance brute dans le calcul des indicateurs de performance (TRI 10 ans et TDVM), ce qui permet aux épargnants de comparer les performances nettes des SCPI sans avoir à effectuer de calculs compliqués, les SCPI les moins chargées n’étant pas nécessairement les plus performantes !
Pour résumer, que ce soit en terme de performance financière ou de taux de chargement, ce serait clairement une erreur d’appréciation d’imaginer que les SCPI labellisées ISR sont en moyenne pénalisées par rapport au reste du marché de la pierre-papier. Les contraintes supplémentaires générées par le label ont certes un coût pour les sociétés de gestion -qui ne semble d’ailleurs pas répercuté à ce stade sur les véhicules- mais elles génèrent également des opportunités comme probablement une meilleure capacité à collecter (de plus en plus d’épargnants veulent s’orienter vers des placements éthiques), une qualité supérieure du patrimoine, une plus grande attention accordée à l’entretien des actifs, un choix plus sélectif des locataires... autant de paramètres qui in fine contribuent à améliorer la performance sur le long terme !