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Primaliance

Colliers estime le coût de la mise en conformité des bâtiments aux exigences ESG à 7 000 milliards €

La société canadienne de conseil en immobilier d'entreprise Colliers a récemment publié une étude intitulée  « ESG : un point de bascule », qui fait une synthèse des nouvelles contraintes environnementales, sociales et de gouvernance, et de leurs coûts induits pour la filière immobilière, dans la région EMEA (Europe, Middle-East, Africa). Le chiffre final donne le tournis, car il représente plus de 3 fois le PIB de la France : 7000 milliards € !

Définir rapidement des objectifs réalisables et des normes techniques claires et cohérentes

Pour Colliers, la conclusion de cette réflexion prospective n’est pas uniquement chiffrée, le défi pour les investisseurs et les utilisateurs immobiliers se décline aussi dans le processus technique et réglementaire à mettre en œuvre dans les années à venir pour parvenir à l’objectif ESG recherché. Investir beaucoup d’argent est certes nécessaire –Colliers estime qu’il faudrait mobiliser 7000 milliards € pour moderniser l’ensemble des bâtiments dans la zone EMEA-, mais il faut parallèlement s’assurer que les solutions concrètes mises en œuvre permettent à terme de respecter les nouvelles exigences ESG en terme de durabilité et de respect de l’environnement. Ces solutions doivent être réalisables avec les technologies actuelles ou disponibles à un horizon temporel cohérent avec les dates d’exigibilité annoncées aujourd’hui (en particulier, l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050). En l’absence d’une réflexion suffisamment avancée sur ces solutions et ces normes, cela créée d’après Colliers « une incertitude considérable sur le marché de l’investissement ». Or il semble qu’à l’heure actuelle, aucun groupe de normes ne se soit imposé comme la référence internationale adoptée pour évaluer la performance ESG des immeubles. Cela rend donc en pratique très compliqué pour les propriétaires d’actifs immobiliers de prévoir les exigences et les responsabilités futures.

Il y a urgence. Une avancée rapide sur cette trajectoire « permettrait la réaffectation des capitaux et des compétences, alors que les investisseurs accélèrent la prise en compte des nouvelles réalités ESG dans leurs décisions. Le défi actuel consiste à comprendre ce qu'il faut faire exactement pour calibrer les portefeuilles immobiliers en fonction des exigences à venir, notamment en matière de décarbonation », estime ainsi Luke Dawson, directeur général de Cross Border Capital Markets, Europe Middle-East Africa, chez Colliers.

« Le coût de cette mise à niveau doit être évidemment réparti sur les 25 prochaines années si nous voulons atteindre l'objectif "net zéro", mais, pour replacer ce chiffre dans son contexte, il équivaut au volume annuel ordinaire des investissements immobiliers en Europe – environ 300 milliards €. Reste à voir qui supportera ce coût ou comment ce coût exorbitant pourrait être partagé entre les investisseurs, les propriétaires d’actifs immobiliers, les gouvernements ou la société dans son ensemble, s’interroge Damian Harrington, Head of Research EMEA et Head of Capital Markets Research Monde de Colliers. À ce stade, une seule certitude, cette transition vers le respect des normes ESG créera un large éventail d'obligations et de nouvelles opportunités d'investissement en rendant effectivement impérative la mise à niveau des actifs immobiliers dans le monde entier ».

« Bien que tous les détails de l'impact des nouvelles normes sur les actifs immobiliers spécifiques ne soient pas encore tous connus et bien définis, l'ampleur des changements nécessaires signifie qu'une approche attentiste n’est pas envisageable, pense pour sa part Andy Hay, directeur général, Property Management EMEA chez Colliers. Il est important que les investisseurs commencent à agir dès maintenant, en améliorant leur compréhension du rôle potentiel de l'ESG dans leurs portefeuilles et en s'assurant des compétences internes et des partenariats nécessaires. »

Les nouvelles normes à venir induiront de nouveaux défis pour les investisseurs

La nouvelle réglementation européenne sur la divulgation des informations financières durables (SFDR) est entrée en vigueur cette année, impactant directement l’univers de l'investissement. A cela s’ajoutent les nouveaux règlements qui devraient être appliqués dans les années à venir, comme la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui renforce l’obligation de reporting des entreprises sur les enjeux environnementaux et sociétaux. Autant de nouveaux défis à prévoir pour les investisseurs immobiliers, car même si la CSRD ne concernera en 2023 que les plus grandes entreprises, le champ d’application recouvrira de facto une grande partie des immeubles tertiaires. En effet, les propriétaires d’immeubles loués à de grands groupes devront pouvoir expliquer comment leurs locataires utilisent l’espace physique alloué et démontrer que cette occupation satisfait aux critères ESG fixés par le législateur. Cela peut être plus ou moins compliqué en fonction de la typologie des locataires et de l’activité économique qui s’effectue dans les bâtiments, et cela exige dans tous les cas un niveau de transparence élevé : quid par exemple d’usines, de data centers, ou de laboratoires pharmaceutiques, dans lesquels se développent des activités protégées par des brevets industriels ou des secrets de fabrication ? « Éduquer les instances dirigeantes des entreprises sur ces nouvelles responsabilités découlant de ces réglementations sera une partie essentielle de cette transition, estime ainsi Andy Hay. L'expertise ESG sera également de plus en plus recherchée, les entreprises étant de plus en plus nombreuses à embaucher des spécialistes ou à rechercher des partenariats qui renforcent leurs capacités dans ce domaine. »

Le rapport de Colliers souligne logiquement la nécessité de mettre en œuvre progressivement un certain nombre d'ajustements pour accompagner l’évolution des règles de communication et du cadre des reportings au cours des deux prochaines années. Ces changements peuvent en effet potentiellement ralentir l'activité transactionnelle le temps que les investisseurs s’approprient les nouvelles règles. « Au cours de cette période, le "G" sera l'élément le plus important de cette démarche ESG, car la gouvernance d'entreprise devra s'adapter en matière de culture, de politique, de systèmes, de risque et de contrôle », analyse Colliers.

Publie le 28 janvier 2022
6 mins de lecture
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