Passoires thermiques : quelle protection offrent les SCPI ?
La loi n° 2021-1104 [ dite « Climat et Résilience »] du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, consacre la lutte contre les passoires énergétiques comme une des principales causes des émissions de CO2 dans le résidentiel. Des sanctions sont prévues pour les propriétaires bailleurs comme le gel des loyers des passoires thermiques (mesure effective depuis le 24 août 2022) et l’interdiction de mise en location des logements les plus énergivores, progressivement depuis le 1er janvier 2023 (certains logements de classe G > 450 kWh/m2), avec une montée en puissance progressive (tous les logements de classe G en 2025, classe F en 2028, classe E en 2034). Quels sont les impacts pour les propriétaires concernés ? La valeur de ces logements peu performants est-elle appelée à se décoter irrémédiablement ? Vont-ils carrément devenir invendables dans quelques années ? Autant de questions angoissantes que se posent aujourd’hui des millions de petits propriétaires particuliers en France, un peu perdus face à ce maquis réglementaire évolutif, et parfois anxieux de faire face à d’éventuelles procédures judiciaires de la part de leurs locataires.
Qu'est-ce qu'une passoire thermique ?
Une passoire thermique est un terme qui désigne un logement excessivement énergivore. A l’extrême, on parle d’indécence énergétique pour les appartements ou les maisons dont la consommation annuelle d’énergie est supérieure à 450 kWh/m2 (certains logements de classe G). En général, il s’agit de logements très mal isolés, qui nécessitent donc des quantités d’énergie phénoménales pour être convenablement chauffés. Mais attention : la notion de passoire thermique va progressivement s’élargir (logements de classe F, puis de classe E) et une bonne partie des logements anciens pourraient bien devenir des passoires thermiques s’ils ne sont pas rénovés en profondeur d’ici une dizaine d’années. Les experts estiment par exemple que la moitié du parc immobilier francilien a actuellement un Diagnostic de Performance Energétique (DPE) de classe E, F ou G, et serait théoriquement interdit de location en 2034 en l’absence de travaux importants d’isolation. A Paris, ce chiffre grimpe même à 65% !
Quels risques cela entrainent-t-il pour les investisseurs en immobilier locatif ?
Les sanctions des propriétaires en cas de non-respect des obligations réglementaires peuvent être sévères, même si elles restent encore à définir avec précision. D’ores et déjà, le nouveau DPE entré en vigueur au 1er juillet 2021 est devenu opposable : concrètement, un locataire a ainsi le droit de poursuivre son bailleur en justice si le logement objet du bail n’a pas bénéficié du diagnostic prévu par la loi ou si la classe énergétique annoncée dans le contrat est erronée. Cela peut avoir des conséquences catastrophiques pour le propriétaire : obligation de mettre en œuvre des travaux d’isolation thermique onéreux (et pas toujours réalisables dans le cadre d’une copropriété, comme par exemple la pose d’une pompe à chaleur), réduction du loyer, voire dommages et intérêts importants à régler au locataire. Dans le cadre d’un logement de classe G, si la consommation dépasse le seuil des 450 kWh/m2 (consommation dite indécente), le logement ne peut pas être reloué au départ du locataire actuel (depuis le 1er janvier 2023), sauf à subir de lourds travaux de mise à niveau. Les autres logements de classe G (entre 420 et 450 kWh/m2) subiront le même sort le 1er janvier 2025, ceux de classe F (entre 330 et 420 kWh/m2) le 1er janvier 2028, et enfin ceux de classe E (entre 250 et 330 kWh/m2) le 1er janvier 2034.
Les avantages des SCPI face aux passoires thermiques
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la loi Climat et Résilience de 2021 introduit un risque nouveau et croissant pour l’investisseur en immobilier locatif, qui s’ajoute aux risques préexistants comme les impayés de loyer, la carence de locataire, les frais exceptionnels pour gros travaux, la hausse incontrôlée de la taxe foncière… Ce risque nouveau concerne de façon prévisionnelle une bonne moitié du parc immobilier actuel des grandes villes. Il est cependant encore un peu trop tôt pour mesurer l’impact global de cette loi sur le risque et la rentabilité de l’investissement locatif en France. De façon certaine, le risque de baisse du rendement locatif est avéré : entre les travaux nécessaires à la mise à niveau des logements, le coût du diagnostic, le risque juridique accru d’un contentieux avec le locataire, la rentabilité nette pour l’investisseur sera en moyenne inférieure à ce qu’elle aurait pu être avant l’entrée en vigueur de la loi. D’autre part, les économies réalisées a posteriori sur les consommations énergétiques après travaux bénéficient avant tout au locataire, et ne peuvent donc pas vraiment compenser le coût de ces derniers pour l’investisseur, même s’il est raisonnable de compter sur de meilleurs loyers après rénovation (sous réserve des divers plafonnements de loyers en vigueur dans un nombre croissant de grandes villes). Sur la valorisation des biens concernés par les étiquettes E, F et G, l’incertitude demeure actuellement, même si les notaires commencent à communiquer des chiffres un peu inquiétants dans certaines régions : en Nouvelle-Aquitaine par exemple, les maisons classées F ou G se sont vendu en moyenne 19% moins cher en 2021 que celles classées D (-14% dans le Grand-Est, -12% en Bourgogne-Franche-Comté, -11% en PACA…). La dévalorisation d’un bien immobilier énergivore, venant s’ajouter à l’érosion de son rendement locatif, semble donc être un risque bien réel pour l’investisseur.
L’investissement en immobilier locatif était déjà parfois un casse-tête, il se complexifie donc encore un peu. Par contraste, les véhicules immobiliers collectifs (SCPI, OPCI, SCI) dont la gestion est déléguée à des sociétés de gestion spécialisées semblent d’autant plus attractifs. En effet, les effets de la loi de 2021 ne sont qu’une contrainte supplémentaire pour ces professionnels aguerris de l’immobilier, dotés d’équipes juridiques et techniques de haut niveau. Le parc immobilier détenu par ces fonds est de façon générale très bien entretenu, avec des programmes pluri-annuels de travaux, et ils respectent la plupart du temps l’ensemble des normes environnementales en vigueur. De plus, un nombre croissant de ces véhicules collectifs ont opté pour le label ISR, ce qui implique une mise à niveau permanente des actifs en portefeuille selon un plan de charge précisément défini et engageant pour les sociétés de gestion. Un autre avantage des fonds immobiliers comme les SCPI est d’offrir une grande diversification sectorielle et géographique, mutualisant ainsi le risque réglementaire. En effet, les lois environnementales ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’actifs résidentiels, de bureaux, de commerces ou d’entrepôts. D’autre part, de nombreuses SCPI investissent aujourd’hui dans l’ensemble de la zone euro, ce qui mutualise aussi l’impact des réglementations climat.
LA PROTECTION DE LA VALEUR LOCATIVE ET VÉNALE DES BIENS EN SCPI
Assez logiquement, les actifs détenus par les SCPI étant mieux gérés et entretenus que ceux qu’un épargnant détiendrait en direct, ils présentent une protection plus grande de leur valeur locative et une meilleure résilience de leur valeur vénale. Le risque de contentieux avec les locataires existe mais il sera réduit au minimum et pourra être assumé dans la durée par les équipes juridiques chevronnées des sociétés de gestion. Il sera également dilué par le grand nombre de locataires présents dans de tels véhicules. Concernant les travaux de remise à niveau environnementale des immeubles, des économies d’échelle importantes seront réalisées par les gérants de SCPI qui pourront attribuer des marchés de montants beaucoup plus élevés aux entreprises sélectionnées. Les valeurs vénales des immeubles seront ainsi maintenues, voire améliorées, moyennant des budgets travaux unitaires raisonnables, creusant d’autant l’écart avec la performance globale d’un bien immobilier détenu en direct.
L'INTÉGRATION DES FRAIS DE RÉNOVATION INCLUS DANS LES VALEURS D'ACQUISITIONS
Un aspect comptable à ne pas négliger pour l’investisseur : dans le cas de l’acquisition d’un bien ancien de type « best in progress » (i.e. avec un fort potentiel d’amélioration environnementale après travaux), les travaux seront budgetés à l’avance par le gérant de SCPI et inclus dans la valeur d’acquisition du bien, ce qui permet une négociation précise et argumentée du prix avec le vendeur. Cela implique à la fois un confort comptable, une maîtrise budgétaire et une bonne gestion fiscale de l’actif immobilier, qui ne générera pas de plus-value comptable tant que le coût des travaux n’aura pas été amorti. En comparaison, l’acheteur d’un logement ancien à rénover ne saura pas toujours dans quoi il s’engage en termes de travaux, c’est un sujet très technique qui revêt aussi un aspect réglementaire lié au mode de calcul du DPE. Par exemple, changer l’ensemble des fenêtres d’une maison ne permet pas toujours de changer de classe énergétique, malgré un coût parfois très élevé, alors que l’installation d’une pompe à chaleur peut selon les cas augmenter la note de deux classes !
Investir dans l'immobilier malgré les passoires thermiques
La menace de voir plus de la moitié des logements anciens catégorisés comme passoires thermiques à horizon des 10 prochaines années en France peut réellement refroidir les investisseurs potentiels en immobilier. Ce serait pourtant se priver d’une classe d’actifs particulièrement attractive en période de forte inflation. Les SCPI sont une solution alternative pertinente dans un tel contexte, car elles libèrent l’épargnant d’une forme d’incertitude -voire d’angoisse- vis-à-vis des nouvelles contraintes réglementaires liées à la loi Climat et Résilience de 2021, tout en restant positionnées sur de l’immobilier physique. Sans compter les atouts traditionnels des SCPI que les associés de ces véhicules apprécient tout particulièrement : mutualisation du risque locatif, diversification sectorielle et géographique, absence de soucis de gestion, revenus perçus nets de toutes charges…
A l’heure où le durcissement des lois environnementales est devenu inévitable en raison de l’urgence climatique, le secteur immobilier résidentiel entre dans un cycle très incertain : les propriétaires auront-ils les moyens financiers et la possibilité technique de réaliser les travaux d’amélioration exigés par la loi ? Les contentieux entre bailleurs et locataires vont-ils se multiplier avec à l’extrême le spectre d’actions de groupe (class actions) sur certaines unités de résidentiel collectif ? Combinée à la hausse spectaculaire des taux d’intérêt pénalisant les emprunteurs, la loi Climat et Résilience de 2021 va-t-elle provoquer un effondrement de la valeur des logements anciens dans certaines villes ? Quoi qu’il en soit, l’heure des choix a sonné pour de nombreux propriétaires bailleurs : faut-il anticiper une dégradation future du rendement et du niveau de risque de son investissement immobilier et céder dès à présent son bien locatif classé E ou F (il est sans doute déjà trop tard pour de nombreux logements classés G), ou bien procéder rapidement à des travaux de mise à niveau énergétique onéreux ? Pour certains profils d’investisseurs, il est clair que la première option sera préférable car le niveau de risque dépassera un jour le seuil du tolérable et/ou le coût financier des travaux exigés ne pourra pas être assumé. Pour ceux-là, l’arbitrage sur des parts de fonds immobiliers collectifs comme les SCPI présentera un niveau de protection particulièrement intéressant, leur permettant de rester positionnés sur une classe d’actifs dont les revenus et la valeur sont indexés sur l’inflation à long terme, tout en se libérant de l’ensemble des soucis de gestion propres à un investissement locatif en direct.