Les grandes tendances de l’immobilier d’entreprise en 2023 (JLL)
JLL a récemment édité son analyse annuelle couvrant les grandes tendances mondiales de l’immobilier d’entreprise pour l’année 2023 (« Top dix des tendances mondiales de l’immobilier d’entreprise en 2023 »). Après une fin d’année 2022 marquée par un coup d’arrêt sur le front de l’investissement immobilier (T4 2022 a été le plus faible T4 depuis 2013 en termes de volumes investis), cette nouvelle publication de l’expert immobilier international met l’accent sur la délicate conciliation des enjeux économiques et écologiques dans une période empreinte d’incertitudes.
Les utilisateurs poursuivent la rationalisation de leurs besoins immobiliers
« Si l’heure est plus que jamais à la rationalisation, l’optimisation des surfaces, des services et des coûts ne doit pas se faire au détriment de la qualité de l’expérience de travail. Et force est de constater que cette dernière est aujourd’hui au cœur de toutes les attentions, dans un contexte où le travail hybride continue de soulever de nombreuses problématiques managériales, de rotation des équipes, de gestion des pics de présence au bureau, de politique de compensations financières… », résume JLL dans sa publication. Dans ce cadre, les entreprises sont demandeuses de solutions innovantes permettant de réduire leurs coûts immobiliers, sans d’ailleurs nécessairement chercher à déménager. La data immobilière est ainsi devenue le nerf de la guerre, permettant à la fois une mesure efficace des divers postes de frais généraux liés à l’immobilier, comme une prise de décision rapide et pertinente pour optimiser le ratio bénéfices / coûts de chaque mètre carré tertiaire utilisé. Sans oublier les enjeux liés à l’urgence climatique qui doivent impacter leur vision à long terme de l’immobilier d’usage.
Un florilège de solutions innovantes permet de baisser sensiblement les coûts d’utilisation sans nécessairement jouer sur la réduction des surfaces utilisées
La première préoccupation pour 90 % des entreprises au niveau mondial est aujourd’hui d’ordre économique, dans un contexte de forte hausse des coûts de l’énergie et d’incertitude sur la résilience de la demande et donc des chiffres d’affaires prévisionnels. Malgré tout, il est important pour ces entreprises de pouvoir disposer de locaux de qualité, et donc représentant un certain coût d’utilisation. D’où une tendance forte à développer des solutions nouvelles et alternatives aux traditionnelles renégociations de baux ou réductions de surfaces louées. JLL mentionne dans son étude l’augmentation d’espaces flexibles permettant de loger des salariés nomades, le développement de la sous-location partielle des surfaces locatives à des tiers, avec toutes les problématiques attachées à ces dispositions nouvelles comme l’aspect juridique des baux, et le volet sécuritaire concernant l’accès aux locaux ou la confidentialité des activités. 3 grandes tendances se dégagent ainsi à horizon 2 ans pour les gestionnaires immobiliers des utilisateurs : le réaménagement des surfaces à iso-périmètre pour mieux tenir compte des nouvelles habitudes de travail (pour 52% des entreprises sondées par JLL), la « gestion dynamique des espaces » (pour 35% des répondants) avec cette notion de flexibilité potentielle de l’usage des m2 loués, et enfin la « dispersion de l’empreinte immobilière » pour 30% des entreprises interrogées, qui désigne la déconcentration des équipes sur un plus grand nombre de sites pour mieux répondre à la demande des salariés. Sur ce dernier point, on est à l’exact opposé de ce qui se pratiquait majoritairement dans les années 2000 et 2010, à savoir le regroupement des équipes sur le même lieu de travail.
Flore Pradère, directrice recherche et prospective chez JLL, résume : « Les entreprises sont contraintes d’optimiser leur portefeuille, mais doivent le faire sans négliger la qualité des espaces, puisqu’elles ont toujours plus besoin d’attirer et de fidéliser les talents. En effet, notre recherche révèle que 50 % des travailleurs urbains de bureaux dans le monde ont quitté leur emploi depuis le début de la pandémie. Et parmi eux, 90 % envisageaient de le faire de nouveau dans les 12 prochains mois. En France, le phénomène est certes moins marqué, mais reste palpable et dénote d’un vrai sujet d’engagement des salariés ». « Partout dans le monde, les entreprises commencent à réfléchir à une empreinte immobilière plus dispersée pour mieux desservir des “pools” de talents. Un phénomène présent dans une moindre proportion en France, où le siège reste une destination centrale. Cependant, cela pourrait devenir un pari gagnant-gagnant pour les entreprises et les salariés », complète Benoît Delattre, Head of Strategic Consulting chez JLL.
Enrichir, homogénéiser et maîtriser la « data immobilière »
La data immobilière sera un des grands enjeux des prochaines années pour les utilisateurs, JLL estimant que la possibilité de fonder les décisions immobilières sur une analyse pertinente des données récoltées « constituera un réel avantage compétitif en 2023 ». Pour 70 % des directeurs financiers interrogés à l’échelle mondiale, la mise en place d’outils digitaux au service de la performance immobilière et du bien-être des salariés est une priorité. A noter qu’à ce stade, les utilisateurs de surfaces tertiaires en France restent encore relativement peu équipés en termes d’outils numériques de gestion des espaces locatifs. « L’occupation dynamique, qui permet d’ajuster l’offre d’espaces et de services au plus près de l’utilisation des bâtiments, est un enjeu majeur pour obtenir un ratio coût/qualité satisfaisant. Celle-ci ne peut se faire sans intelligence du bâtiment à travers des solutions digitales reposant sur l’intelligence artificielle », explique Flore Pradère. Mais les choses bougent rapidement : devant l’urgence énergétique liée à l’envolée de leurs factures, certaines entreprises ont commencé à piloter de façon scientifique les horaires d’occupation de leurs locaux pour éviter de les chauffer 24 heures sur 24.
L’enjeu climatique reste dominant à long terme
Malgré les difficultés économiques de court terme, les utilisateurs d’immobilier n’auront d’autre choix que de tenir compte de la résilience climatique dans leur vision immobilière à long terme, estime JLL. D’ores et déjà, de nombreux propriétaires immobiliers tertiaires s’inscrivent dans une démarché ESG (Environnemental, Social, de Gouvernance) formalisée, en particulier les fonds collectifs qui ont obtenu ou visent prochainement le label ISR. Or sur l’aspect « gouvernance », ils mobilisent l’ensemble des parties prenantes à améliorer le score ESG des actifs qu’ils détiennent, et en premier lieu les locataires qui doivent adopter un usage raisonné des locaux en termes de consommations d’eau et d’énergies. Les entreprises adhèrent très majoritairement à cette démarche puisque selon JLL, 84% des décisionnaires immobiliers interrogés chez les utilisateurs de surfaces tertiaires ont « renégocié leurs conditions de bail pour diminuer leur consommation d’énergie, accroître leur recours aux énergies vertes, et bénéficier de compensations carbone ».
Mais l’enjeu dépasse l’échelle des acteurs privés car il concerne aussi l’organisation des villes et leur urbanisme. Selon Flore Pradère, « cet effort ne se fera pas sans collaboration avec toutes les parties prenantes, et notre étude sur la décarbonation des villes et de l’immobilier a montré que 75 % des entreprises anticipent une plus grande dépendance vis-à-vis des acteurs externes. Demain les partenariats entre les investisseurs, les propriétaires, les locataires, mais aussi les villes et la société civile deviendront clés pour promouvoir une approche plus durable de l’immobilier. »