Des SCPI conformes à la Charia, est ce possible ?
La finance islamique regroupe toutes sortes de produits conformes à la loi islamique (la Charia). Marc Bertrand, Directeur général de LA FRANCAISE REM en connait bien les rouages. Voilà 1 an, il a été le premier en France à créer un OPCI conforme aux principes de la Charia.
En dépit de règles strictes, le responsable de la société de gestion est parvenu non sans peine à bâtir un produit d’investissement immobilier en tenant compte de 2 spécificités majeures de la Charia.
La première règle concerne le financement d’un bien immobilier. Tout d’abord, la finance islamique s’appuie sur l’impossibilité de payer ou de recevoir des intérêts. Résultat, la rémunération d’une banque sur un crédit immobilier ne peut être conforme à la Charia que si elle est considérée comme une rétribution du risque pris par l’établissement financier. Afin de respecter ce principe tout en assurant une rémunération légitime à la banque, les financiers disposent de plusieurs outils.
Adossé à un actif immobilier, le sukuk est une sorte d’obligation où son émetteur vend le titre à des investisseurs qui le reloue à un prix fixé à l’avance. L’émetteur s’engage de son côté à racheter les obligations à une date précise et au prix d’émission. En ne versant pas d’intérêts mais une fraction du bénéfice, le sukuk est un moyen facile pour financer une acquisition d’envergure.
Deuxième outil : Le murabaha. C’est l’option choisie par LA FRANCAISE AM. Concrètement, un établissement financier achète le produit dont son client à besoin puis le revend en dégageant une marge. Procédé similaire à la titrisation, le murabaha est une forme de vente à crédit. Il est conçu comme une location et l’intermédiaire bancaire reste propriétaire du bien jusqu’à ce que celui-ci soit totalement remboursé. Dans le cas de l’OPCI de La Française AM, le murabaha a permis l’acquisition conjointe avec une banque Koweitienne d’un immeuble de bureaux 91 bd ST Michel (Paris 5ème).
La deuxième exigence pour un placement immobilier conforme à la Charia s’appuie sur la nature du locataire. Les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés vendant de l’alcool ou du porc, celles œuvrant dans le jeu, le tabac, l’armement ou la pornographie, les restaurants non halal sont exclus. Aidés par un « board » qui analyse au cas par cas les « candidats » à la location, les investisseurs islamiques disposent cependant d’une certaine souplesse d’interprétation qui dépend des « Charia Board », lesquels analysent et certifient les éventuels placements. Il est également envisageable d’utiliser, toujours, sous le contrôle du « Charia Board », des techniques dites de purification en isolant la part du chiffre d’affaires en fonction des biens ou activités prohibés ». Pour le moment La Française AM n’a pas eu à résoudre ces difficultés. Son OPCI a été loué à France Télécom aux termes d’un bail de 10 ans.
Enfin, d’après le spécialiste, « les SCPI orientées sur le logement résidentiel peuvent constituer une bonne opportunité pour un investisseur soucieux de respecter la loi islamique ... Au final, il faut vérifier que le respect des règles du droit islamique ne pénalise pas trop la rentabilité de l’opération ou du fonds.»
L’initiative historique de LA FRANCAISE sera-t-elle suivie ? En tous cas, s’il ne minimise pas les difficultés pour la construction de SCPI conformes à la finance islamique, Marc Bertand estime le « créneau potentiellement porteur en raison notamment de l’importance réelle de la France dans l’allocation immobilière internationale. »