Le marché des bureaux franciliens face à de profonds changements structurels (Savills)
D'après la dernière étude trimestrielle (publiée en octobre 2024) de l'expert immobilier Savills sur le marché des bureaux en Île-de-France, les volumes placés auprès des utilisateurs restent à des niveaux historiquement bas, avec une augmentation parallèle de l’offre disponible.
En revanche, les loyers enregistrent une certaine dynamique sur les secteurs les plus attractifs, avec des mesures d’accompagnement substantielles. Un nouvel équilibre de marché se profile avec des questions qui demeurent en suspens comme le recyclage des surfaces tertiaires devenues obsolètes.
Un marché locatif en pleine mutation
Le troisième trimestre 2024 marque un tournant qui peut sembler préoccupant pour le marché des bureaux en Île-de-France. Avec seulement 411 695 m² de surfaces louées, il s'agit du plus faible volume enregistré sur un troisième trimestre depuis plus de dix ans, hors période Covid, selon Savills. Sur les neuf premiers mois de l'année, la demande placée atteint à peine 1,28 million de m², en recul de 9% sur un an.
Cette situation reflète une transformation profonde des besoins immobiliers des entreprises. Le développement du télétravail et du flex office permet désormais aux organisations de réduire leurs surfaces tout en maintenant leurs effectifs. Cette tendance se traduit par une baisse de 7% des engagements financiers des entreprises en matière de loyers depuis le début de l'année.
Des disparités géographiques qui s'accentuent
Le marché francilien présente des réalités contrastées selon les sous-secteurs géographiques.
- Paris intra-muros maintient son attractivité avec une demande placée en légère hausse (+1% au T3 2024 par rapport au T3 2023), portée notamment par les grandes surfaces (+59%).
- La Défense affiche également une certaine résilience (+2%).
- En revanche, le Croissant Ouest souffre particulièrement avec une chute de 28% de son activité.
Cette dichotomie se retrouve dans l'évolution de l'offre disponible. Si celle-ci augmente globalement de 13% sur un an pour atteindre le niveau record de 5,24 millions de m² (soit +31% en 3 ans et +88% en 5 ans), les situations varient fortement d’un secteur à l’autre : +44% à Paris – qui partait certes d’un niveau assez bas – +9% dans le Croissant Ouest, tandis que La Défense enregistre une baisse de 7% de l’offre disponible entre T3 2023 et T3 2024.
Les taux de vacance locative sont parallèlement orientés à la hausse, avec 18,9% en moyenne sur la 1ère couronne et 5,1% sur Paris intra-muros, un chiffre qui n’avait pas été vu depuis 2015 dans la capitale.
Des valeurs locatives sous tension
Selon les observations de Savills, les loyers "prime" continuent leur progression dans les secteurs les plus prisés, atteignant jusqu'à 1 091€/m² par an dans le Quartier Central des Affaires parisien. Cependant, cette hausse masque une réalité plus complexe. Les mesures d'accompagnement restent élevées, représentant en moyenne 25% des loyers faciaux, avec des pics à 40% dans certains secteurs comme La Défense.
La recherche d'économies pousse les entreprises à optimiser leurs surfaces, compensant ainsi la hausse des loyers unitaires. Ce phénomène explique la baisse paradoxale du montant total des engagements locatifs, malgré des valeurs faciales en hausse.
Perspectives : un marché en quête de nouveaux équilibres
Le seuil symbolique des 2 millions de m² de demande placée annuelle, longtemps considéré comme une norme, semble désormais hors d'atteinte. L'année 2024 devrait se clôturer autour de 1,8 million de m².
Plusieurs défis majeurs se profilent pour le marché tertiaire francilien :
- La reconversion des surfaces obsolètes devient urgente, particulièrement en périphérie où environ 35% de l'offre de seconde main pourrait être considérée comme "hors marché".
- Le stock croissant de surfaces Grade A, notamment à Paris (+84%), devra trouver preneur dans un contexte économique incertain.
- La remise en question du télétravail par certaines entreprises pourrait modifier les stratégies d'optimisation des surfaces, avec des répercussions sur les valeurs locatives.
Face à ces enjeux, le marché devra s'adapter. Les secteurs périphériques, proposant des loyers plus modérés tout en répondant aux critères ESG et d'accessibilité, pourraient tirer leur épingle du jeu auprès des entreprises cherchant à maîtriser leurs coûts immobiliers.